Des chercheurs de l’Université de Manchester ont découvert que les espèces chimiques oxygénées (ROS) tels que les radicaux libres qui sont généralement considérés comme nocifs pour les cellules, jouent en fait un rôle essentiel dans la régénération de la queue des têtards. Cette découverte pourrait avoir des implications importantes dans la guérison et la régénération des tissus humains.
Les radicaux libres sont un groupe de molécules hautement réactives. Les radicaux contenant de l’oxygène jouent un rôle prépondérant dans les systèmes biologiques: Ils sont impliqués dans la signalisation cellulaire et le maintien de l’homéostasie; mais lorsque leur concentration augmente au-delà d’un certain seuil, ils sont soupçonnés d’être responsables de dommages aux cellules et certains chercheurs suggèrent même qu’ils sont responsables du vieillissement. En conséquence, les antioxydants qui détruisent ces ROS sont devenus aux yeux des humains des synonymes de bonne santé.
Mais ces dernières années, des preuves ont démontrées que les ROS peuvent ne pas être les chefs bandits du film. Il y a quelques semaines, un document rédigé par le professeur James Watson (co-découvreur de l’ADN en double hélice) a été publié et qui réévalue l’importance des radicaux libres. Le lauréat du prix Nobel va même jusqu’à dire que les suppléments antioxydants ‘ont pu causer plus de cancers qu’ils en ont empêché‘.
Maintenant, en s’appuyant sur leurs travaux antérieurs, un groupe de recherche dirigé par le professeur Amaya à l’Université de Manchester a confirmé que chez les têtards, le peroxyde d’hydrogène (H2O2) qui est un radical libre très fréquent est non seulement sans danger pour les cellules, mais est en fait le catalyseur qui a rendu possible la régénération complète des queues de têtards en moins d’une semaine.
Avec l’aide d’un colorant fluorescent, Amaya et ses collègues ont commencé par mesurer le niveau de peroxyde d’hydrogène pendant que la queue d’un têtard se régénérait. Ils ont pu montrer que les niveaux de H2O2 augmentaient rapidement juste après l’amputation de la queue et que ces niveaux sont restés élevés tout au long du processus de régénération de la queue.
Toutefois, cette observation n’explique pas tout; le peroxyde d’hydrogène aurait pu être un sous-produit et non le catalyseur de la régénération des cellules. Ainsi, pour évaluer son importance, les chercheurs ont limité la production de ROS de deux manières différentes: d’abord à l’aide de produits chimiques, notamment des antioxydants; et ensuite en enlevant un gène responsable de la production de ROS. Dans les deux cas, le processus de régénération a été inhibé et la queue du têtard ne repoussait pas.
Notre recherche suggère que les ROS sont indispensables pour initier et accompagner le processus de régénération. Nous avons également constaté que la production de ROS est essentiel pour activer la signalisation Wnt qui est impliquée dans presque chaque système de régénération étudiée, y compris ceux trouvés chez les humains, explique Amaya.
Ensuite, les chercheurs vont étudier en profondeur le rôle des ROS dans la guérison et les processus de régénération dans l’espoir d’appliquer les résultats sur la santé humaine. Il est possible, en effet, que la manipulation de taux de ROS dans le corps puisse améliorer notre capacité de guérir et de régénérer les tissus.
Selon Amaya, les recherches en cours suggèrent qu’il pourrait bien y avoir une zone d’équilibre où les niveaux de ROS seraient idéales pour le corps humain. Quand les niveaux sont trop bas, la guérison ne peut se faire correctement; lorsque les niveaux sont trop élevés, les cellules commencent à se détruire; mais lorsque le niveau est juste, on peut régénérer les tissus à la vitesse maximale.
Un document détaillant la recherche a été publiée dans le dernier numéro de la revue Nature Cell Biology.
Sources: Université de Manchester, Université de l’Etat du Colorado